PLF 2012 : la répartition des 14 280 suppressions de postes pour la mission enseignement scolaire
Les 14 000 emplois non renouvelés dans l'Education nationale en 2012, concerneront « 5 700 personnels dans le premier degré, 6 550 dans le second degré, 400 personnels administratifs et 1 350 dans l'enseignement privé », annonce Philippe Gustin, directeur de cabinet de Luc Chatel, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie éducative, mercredi 28 septembre 2011, confirmant la répartition dont AEF avait eu connaissance le 24 août (AEF n°154119).
Le PLF 2012 présenté en conseil des ministres ce mercredi par la ministre du Budget, des Comptes publiques et de la Réforme de l'État, Valérie Pécresse et le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, François Baroin, prévoit en effet 14 280 suppressions de postes pour la mission enseignement scolaire, dont 280 pour le programme enseignement agricole (AEF n°157787). « L'identification et la mobilisation des différents leviers d'action permettent à la mission enseignement scolaire de contribuer substantiellement à l'effort de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux », précise le PLF 2012.
Le non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux entre 2008 et 2012 a permis, lorsqu'on prend en compte les 40 ans de carrière d'un enseignant, « une économie de 70 milliards d'euros », détaille Philippe Gustin. Une économie qui atteint les « 100 milliards d'euros si l'on intègre le versement des pensions et pensions de réversion éventuelle ».
Au titre des « leviers à actionner pour réaliser le schéma d'emplois
2012 » (AEF n°132638), Philippe Gustin cite notamment :
- « la taille des classes dans les écoles et les collèges qui ne relèvent pas de l'éducation prioritaire ». Le directeur de cabinet relève ainsi que « 1 600 classes de collège ont moins de quinze élèves en cette rentrée, et 6 600 en ont moins de 19 » et « 300 collèges publics et 500 collèges privés qui ont moins de 200 élèves » ;
- « les enseignants hors la classe, en partie dans le premier degré », soit environ « 20 000 postes, dont des Rased, qui sont encore au nombre de 12 000 » ;
- « les surnombres dans le premier degré », évalués à « plus de 1 000 » postes ;
- « les modalités de l'enseignement de langue dans le premier degré avec la diminution progressive des assistants en langue » ;
- « la rationalisation de l'offre sur le territoire grâce à la mise en place de réseaux d'établissements », une formule « très efficace sur la question des options rares notamment » ;
- « les décharges de service » ;
- « la scolarisation des enfants de deux ans qui ne sera pas impactée là où elle est prévue (en éducation proritaire) » ;
- « l'utilisation du remplacement » ;
- « la rationalisation des moyens sur les personnels administratifs, grâce aux regroupements de services entre rectorat et inspections académiques dans le chef-lieu du rectorat ».
DIALOGUE DE GESTION. Philippe Gustin ajoute qu'il « y aura d'autres leviers » d'action supplémentaires. « Nous allons demander aux recteurs de voir eux-mêmes. Cela rentre dans le cadre du dialogue de gestion engagé avec eux sur l'exercice 2012 depuis le mois de juin 2011. Ce dialogue va se poursuivre début octobre pour s'achever en décembre, avec [les suppressions] académie par académie. » Le directeur de cabinet y voit « une logique de rééquilibrage entre académies afin de diffuser les bonnes pratiques d'un territoire à l'autre ». Interrogé par AEF sur l'éventualité d'un levier jouant sur les postes d'enseignants stagiaires en responsabilité -qui sont rémunérés-, le directeur de cabinet dément : « Il n'y aura pas de réduction de la durée de stage », assure-t-il.
ASSISTANTS EN LANGUE VIVANTE. Egalement interrogé par AEF sur les raisons conduisant à supprimer des postes parmi les assistants en langue, Philippe Gustin répond qu'un « rapport de l'Inspection générale sur l'enseignement des langues à l'école primaire conclut qu'avec les élèves de 6e, il faut tout recommencer à zéro.
L'enseignement des langues étrangères en primaire date du milieu des années 1980. Cela fait donc 25 ans et on n'a pas réussi à faire en sorte de former les enseignants du premier à enseigner une langue étrangère en CE1 et CE2. C'est un chantier à mener ». Le directeur de cabinet ne mentionne toutefois aucun « bilan officiel » concernant les missions des assistants en langue étrangère.
TITULAIRES REMPLAÇANTS. Quant à la présence de TZR à la rentrée 2012, Philippe Gustin affirme que « tout le pilotage relève de l'horlogerie de précision pour assurer les remplacements le plus rapidement possible sans créer de postes pérennes ». Il évoque ainsi « la saisonnalité des absences » parmi les 850 000 enseignants en France, « avec des pics d'absence pour maladie en janvier, février et mars, même si les enseignants ne sont pas plus malades que d'autres ». « Les enseignants remplaçants peuvent eux-mêmes tomber malades à ces périodes », note-t-il.
RETOUR CATÉGORIEL. Le « retour catégoriel généré par ces 14 000 suppressions de postes, s'élèvera en 2012 à 176 millions d'euros », portant au total la « revalorisation » des enseignants due au non remplacement d'un départ sur deux en retraite, à « 1,1 milliard d'euros depuis 2007 ».
EFFECTIFS. Concernant les prévisions d'effectifs d'élèves dont dispose le ministère pour la rentrée 2012, le directeur de cabinet explique qu'il « [se] méfie des prévisions ». « J'attends déjà le décompte de cette rentrée. Et je note que l'an dernier notre chère Depp avait prévu 20 000 élèves supplémentaires qui ne sont finalement pas venus?
» Il déplore par ailleurs que « 3 000 places de BTS restent vacantes (sur 242 000) et que certaines CPGE fonctionnent avec quatre ou cinq élèves ».
EMPLOIS AIDÉS. Par ailleurs, « 2 300 postes d'AVS-Co (1) seront créés en 2012 pour un coût de 69 millions d'euros » et ce afin de « poursuivre l'effort » en faveur de l'accueil des élèves handicapés. En cette rentrée 2011, 2 000 postes d'AVS-Co sont créés pour un montant global affecté aux élèves handicapés de « 453 millions d'euros », ajoute Philippe Gustin. Interrogé par AEF sur la répartition des 4 000 nouveaux contrats aidés annoncés par Luc Chatel entre AVS-Co et aide administrative aux directeurs d'école (AEF n°154858), il indique que « la priorité reste aux élèves handicapés ». « Chaque recteur doitfaire un travail nécessaire et plus que nécessaire car des contrats aidés ont été distribués de manière large précédemment. Nous avons dressé une typologie des écoles où était présente une aide administrative ou pas et nous avons vu des différences notables », précise le directeur de cabinet. « Certains départements comptaient 60 % d'écoles avec aide administrative quand d'autres n'en avaient que 10 %. Tout cela parce qu'un IA avait ?tiré plus vite que son collègue' pour obtenir les postes ». Désormais, assure Philippe Gustin, « les cartes sont en train d'être rebattues par les IA et IEN pour que ces 4 000 contrats aillent aux écoles qui ont les plus gros besoins ». Une « cartographie précise » devrait être connue « à la rentrée des vacances de la Toussaint, le temps d'embaucher les personnels nécessaires » aux élèves handicapés ou aux directeurs d'école. Pour autant, Philippe Gustin fait état de « délais incompressibles d'embauche », entre «la prescription par une MPH, l'identification d'un personnel, l'accueil effectif, la mise en place du contrat ».
SCOLARISATION DES DEUX ANS. « Comment faire pour accueillir 30 élèves dans une classe maternelle avec un instituteur et un Atsem alors que dans toutes les autres structures qui dépendent des ministères sociaux, comme les crèches, les halte-garderies ou les jardins d'éveil, on compte un adulte pour six enfants ? », relève Philippe Gustin, interrogé par AEF sur le levier de la scolarisation des enfants de deux ans. « Ce sont deux mondes qui n'ont rien à voir. La scolarisation des moins de trois ans a servi pendant des années et aujourd'hui encore de variable d'ajustement pour éviter les suppressions de classes. Sauf que les élèves de deux ans inscrits, on ne les voyait que rarement en classe, si ce n'est à partir du mois d'avril, quand les parents s'inquiétaient de la future rentrée des classes du mois de septembre », affirme-t-il. « 13 % des moins de trois ans » seraient scolarisés aujourd'hui, notamment « en Bretagne et dans le Nord-Pas-de-Calais » lié en partie à « la place importante de l'enseignement privé », et dans les zones d'éducation prioritaire « pour des raisons statutaires » puisque la scolarisation dès deux ans y est « obligatoire ». Et Philippe Gustin de conclure : « si l'on avait en bout de course le moyen de voir l'impact positif de cette scolarisation précoce, je dirai banco. Mais scientifiquement, on ne le prouve pas, on prouve même peut-être le contraire. Il faudrait pouvoir comparer, lors des évaluations de CM2, les résultats des élèves qui ont été scolarisés avant trois ans et de ceux qui ne l'ont pas été. »
COMMUNIQUE DE PRESSE SNUipp-FSU
Budget 2012 : Copie à revoir pour l'école
La répartition des 14 000 suppressions de postes dans l'Education programmées au prochain budget est désormais connue. Pour le primaire, le ministre envisage de supprimer 5 700 postes d'enseignants. Le gouvernement poursuit son plan d'asphyxie de l'école. On est bien loin de la promesse de Nicolas Sarkozy de sanctuariser l'école maternelle et élémentaire.
A l'épreuve du réel, qu'en sera t-il de l'engagement du chef de l'Etat de ne procéder à aucune suppression nette de classes ? Sur le terrain, l'équation des fermetures de postes s'annonce insoutenable, surtout dans certains départements. Pour épargner les classes maternelles et élémentaires, les Inspecteurs d'Académie en charge des opérations de carte scolaire vont devoir s'attaquer aux autres ressources : hausse du nombre d'élèves par classe, postes de Rased, de remplaçants, d'intervenants extérieures de langues étrangères. La scolarisation en maternelle sera à nouveau dans l'oeil du cyclone : renoncement à la scolarisation des moins de 3 ans, hausse des effectifs. Et si le compte n'y est toujours pas, le rabot concernera les postes classes entraînant la poursuite de l'augmentation de la taille des classes.
Cette politique est inacceptable. Elle dégradera les conditions d'apprentissages des élèves, réduira les possibilités d'aide à ceux qui éprouvent des difficultés scolaires, aggravant encore les conditions de travail des enseignants.
Les parlementaires qui doivent examiner le budget 2012 engageront leur responsabilité devant tous les français et notamment devant la communauté éducative qui s'est fortement mobilisée le 27 septembre dernier contre les suppressions de postes dans l'Education. Il est encore temps d'agir. Le SNUipp-FSU demande aux parlementaires de revoir la copie du gouvernement. Dans les départements, les enseignants sont invités à interpeler leurs élus. Le projet de loi de finance doit être amendé et les 14 000 suppressions de postes dans l'Education nationale annulées.
Paris, le 29 septembre 2011